L'hypnotiseur – La Macédoine du Nord, cet été

4/2019
28 April 2019

"Si le Kosovo n'est pas la Serbie, la Republika Srpska n'est pas la Bosnie!"
(devant le ministère serbe des affaires étrangères)

Chers amis d'ESI,

Au mois d'août 2018, les présidents de la Serbie et du Kosovo se sont entretenus dans le village autrichien d'Alpbach sur un éventuel accord en vue d'une "normalisation" impliquant de nouvelles frontières ethniques. Huit mois plus tard, la conclusion d'un tel accord semble une perspective plus lointaine que jamais.

Veuillez voir ci-dessous: Nouveau rapport ESI:
L'hypnotiseur  - Aleksandar Vucic, John Bolton et le retour du passé

Au lieu de cela,: les États-Unis et le gouvernement du Kosovo se sont disputés publiquement comme ils ne l'avaient jamais fait auparavant. Le parlement du Kosovo a adopté une résolution contre la volonté du président du Kosovo de discuter de la modification des frontières. L'UE est divisée sur la politique à suivre dans les Balkans. Il y a une méfiance réciproque entre l'Allemagne et les Etats-Unis sur le sujet. Le haut représentant de l'UE est isolé parmi les États membres. En Serbie, les médias regorgent de récits qui suscitent des émotions nationalistes, mettant en garde contre une attaque albanaise imminente, avec pour objectif, le renvoi des Serbes du territoire kosovar. La majorité de la population serbe soutient le président Aleksandar Vucic, qui réhabilite la puissance militaire serbe afin de faire face à une prétendue invasion visant la création d'une Grande Albanie. De plus, le Kosovo impose désormais un droit de douane de 100 pour cent sur les importations en provenance de Serbie.

Pour tous ceux qui s'attendaient à une percée diplomatique entre Belgrade et Pristina, ce bilan pourrait ressembler à un échec. Mais qu'adviendrait-il si, en réalité, le but était de changer les paramètres de la politique occidentale et d'offrir une plus grande marge de manœuvre aux nationalistes serbes dans la poursuite de leurs objectifs traditionnels?

 

Des menaces et la démarcation

Notre nouveau rapport recommande que les dirigeants européens referment la boîte de Pandore des débats sur les frontières ethniques aussi rapidement et catégoriquement que possible. Dans le même temps, l'UE devrait indiquer clairement qu'aucun pays qui négocie son adhesion, ne peut menacer, sans consequence, ses voisins d'interventions militaires ou créer de l'hystérie concernant ses minorités ethniques.

Aujourd'hui, c'est le cas de la Serbie. Le 6 février 2018, le ministre serbe de la défense, Aleksandar Vulin, a expliqué que la priorité de son pays était "d'arrêter la création de la 'Grande Albanie', après un siècle d'expansion". Par conséquent, la Serbie a besoin d'une "démarcation permanente et ferme entre Serbes et Albanais sur le territoire du Kosovo".

Quatre mois plus tard, Vulin déclarait que si l'Albanie et le Kosovo s'unissaient au sein d'une Grande Albanie, "les Serbes ne pourraient rester divisés, ce ne serait pas possible". En novembre 2018, Vulin a expliqué que la Grande Albanie émergeait déjà :

"La Grande Albanie est en train de voir le jour en tant que pays ethniquement pur. Pour cela, les Serbes doivent partir, tout le Kosovo doit être arraché à la Serbie, une partie du Monténégro doit être prise, ainsi que certaines parties de la Macédoine et de la Grèce. La Grande Albanie est une menace pour toute la région."

Les hommes politiques serbes lient aussi, régulièrement, la Grande Albanie à l'avenir de la Bosnie-Herzégovine. Le ministre serbe des affaires étrangères, Ivica Dacic, a récemment fait valoir que ce qui comptait, ce n'était pas les Etats mais les groupes ethniques: pour résoudre les problems, les "Serbes" (Belgrade) devraient parler aux "Albanais" (Tiran). En parallèle, en février 2019, l'éminent homme politique serbe de Bosnie, Milorad Dodik, a également préconisé la démarcation ethnique comme la voie à suivre en Bosnie-Herzégovine:

"Il aurait probablement été préférable que l'on n'ait pas tenté de recoller la Bosnie, comme ce fut le cas à Dayton [l'accord de paix de 1995]. Il aurait été, peut-être, préférable de procéder à une démarcation."

En avril 2019, Dodik a déclaré: "Si nous voulons des Balkans stables, il faut redessiner les frontières de manière à intégrer certains terrirtoires aux nations prévalentes."

Serbie - Les hommes des années 1990 et leurs partis qui dominent
la scène politique en 2019

Aleksandar Vucic Ivica Dacic Vojislav Seselj
Aleksandar Vucic, Les progressistes – Ivica Dacic, Les socialistes – Vojislav Seselj, Les radicaux

 

Une Blitzkrieg? 

Le 16 août 2018, le président Aleksandar Vucic a donné un aperçu de sa réflexion sur le Kosovo qu'il décrit comme un baril de poudre où les deux parties pourraient passer à l'attaque à tout moment:

"Chacun attendra l'occasion de frapper l'autre pour obtenir un avantage sur le terrain. Et chaque jour, nous nous demanderons s'ils nous attaqueront au nord, où exactement ils nous frapperont, et avec le soutien de qui..."

Le 2 octobre 2018, le ministre serbe des affaires étrangères, Ivica Dacic, a dit qu'en l'absence d'accord sur la ligne de démarcation au sein du Kosovo, un risque d'"attaque armée au nord du Kosovo", la menace d'une "Blitzkrieg", serait toujours à l'ordre du jour.

En février 2019, Dacic a tenu les propos suivants sur la chaine de télévision Pink: "Soyons tous clairs sur une chose: en cas d'attaque contre les Serbes dans le nord du Kosovo, nous devrons les défendre avec les armes et non par la prière. Nous devons en être conscients." En mars 2019 Dacic a également précisé lors d'une conférence de presse: "Si la KFOR ne garantit pas la sécurité [au Kosovo], conformément à la résolution 1244 de l'ONU, en cas d'attaque armée contre les Serbes, c'est la Serbie qui assurera leur défense." En mars 2019, le président du Comité pour le Kosovo au parlement serbe, Milovan Drecun, a mis en garde contre une invasion imminente visant à créer la Grande Albanie:

"Nous avons reçu un avertissement selon lequel l'armée albanaise pourrait aider les forces spéciales à Pristina à achever le nettoyage ethnique du Kosovo, à expulser tous les Serbes, au moins ceux du nord du Kosovo. C'est un signe dangereux qui peut nous mener à la guerre et embraser la region toute entière."

Les messages transmis par les ministres et les parlementaires serbes sont clairs: le conflit armé est proche et, en cas de provocation, la Serbie enverra des forces militaries au nord.
Dans le même temps, la Serbie se réarme. Comme l'a expliqué le président Vucic en novembre 2018: "Nous et les Hongrois sommes assez proches (en ce qui concerne la puissance militaire). Tous les autres sont très loin derrière.... aucun autre pays de l'ex-Yougoslavie n'est aussi fort que nous. Nous continuerons à renforcer notre armée de manière considérable."

Selon l'Institut international de recherche pour la paix de Stockholm, en 2017, comparé au total des dépenses des cinq autres pays des Balkans de l'Ouest réunis, la Serbie a déboursé 161 millions de dollars de plus dans le domaine de la défense. Les budgets officiels du ministère serbe de la défense entre 2013 et 2019 font état d'une forte augmentation.

Dépenses militaires dans les Balkans, SIPRI (en dollars américains, million)

Pays

2017

Serbie

731

5 autres pays Balkans de l'Ouest

570

Bosnie

165

Albanie

162

Macédoine du Nord

112

Monténégro

74

Kosovo

57

Un observateur naïf pourrait se poser cette question évidente: Pourquoi? La Serbie est un pays candidat qui négocie son adhésion à l'UE. Elle est entourée par des membres de l'OTAN: la Slovénie, la Croatie, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie, le Monténégro, l'Albanie et bientôt, la Macédoine du Nord. Qui, donc, son armée cherche-t-elle à impressionner? Les récentes déclarations du président Vucic et de ses ministres dévoilent quelques indices, lesquels ne sont pas très rassurants. (Pour en savoir plus: L'hypnotiseur).

 

Le message donné aux Alpes

Alpbach: Adnan Cerimagic speaking to Aleksandar Vucic, Hashim Thaci
Alpbach: Adnan Cerimagic s'adressant à Aleksandar Vucic et, Hachim Thaci

L'été dernier, à Alpbach, Adnan Cerimagic d'ESI a mis en garde les deux présidents sur le grand danger que représente l'idée de modifier les frontières pour des raisons ethniques. Cette idée est fondée sur un argument souvent entendu avant les guerres des années 1990:

"[Tous les hommes politiques dans les Balkans] avançaient [alors] un argument simple mais destructeur: 'Vous n'êtes en sécurité que si votre propre groupe ethnique est au contrôle. Vous n'êtes en sécurité que lorsque votre groupe ethnique est au contrôle et que dans les zones où celui-ci est le maître'. Cette idée a détruit la Yougoslavie et Doboj. Elle a détruit des familles. Elle a conduit à des expulsions massives et à un génocide à Srebrenica. Elle a transformé les frontières en lignes de front et a créé de nouvelles frontières tracées par le sang humain.

A l'instar de la Bosnie, les idées peuvent évoluer. Doboj est un bon exemple. La moitié de la population non serbe d'avant-guerre, près de 20,000 personnes, y sont retournées. Des mosquées et des minarets ont été reconstruits. Le Doboj de mes cauchemars est à présent une ville ordinaire où les Bosniaques et les Croates ne craignent pas leur maire serbe. A chaque élection, ils votent même pour lui.

En ce moment, je suis inquiet. Le Doboj d'aujourd'hui a été possible grâce à une politique claire de la communauté internationale. Une politique qui s'opposait à tout changement de frontières selon des critères ethniques! Les Serbes devraient être en sécurité en Bosnie centrale, tout comme les Croates à Banja Luka, les Bosniaques à Doboj ou à Srebrenica. Les Macédoniens devraient être en sécurité à Tetovo, tout comme les Bosniaques à Novi Pazar, les Albanais à Presevo ou les Serbes à Gracanica et Mitrovica.

Certaines idées semblent innocentes au premier abord, mais au fur et à mesure de leur développement, elles peuvent devenir horrifiantes. C'est exactement le cas de l'idée selon laquelle nous ne devrions être en sécurité que lorsque notre propre groupe ethnique est au contrôle et que dans les zones où celui-ci est le maître."

 

L'UE et la paix dans les Balkans – La vision 2025

L'UE doit empêcher les idées noires des années 1990 de resurgir dans la région. Pour ce faire, elle a besoin d'une stratégie crédible sur la manière dont la Serbie, le Kosovo et les Balkans pourraient progresser vers l'intégration avec le reste de l'Europe. C'est une question de guerre et de paix.

Déjà, lors de la prochaine réunion sur les Balkans de l'Ouest le 29 avril à Berlin, l'Allemagne et la France devraient réaffirmer les principes fondamentaux qui ont conduit l'UE à ouvrir des négociations d'adhésion avec la Serbie: "Ce processus [la normalisation entre la Serbie et le Kosovo] permettra aux deux parties d'avancer sur leurs voies européennes respectives, sans que l'un puisse bloquer l'autre sur ce chemin, et de conduire progressivement à une normalisation globale des relations".

Dans le même temps, l'UE a besoin d'une feuille de route crédible pour la région couvrant la période 2020-2025:

  • il faut offrir un objectif concret pour tous les pays des Balkans de l'Ouest: satisfaire aux normes requises pour devenir membres à part entière du marché commun de l'UE d'ici 2025 (avec des périodes de transition). L'attractivité de la région pour les investisseurs s'en trouverait ainsi fortement accrue.
     
  • il faut inclure progressivement dans les politiques régionales et de cohésion de l'UE, les pays qui avancent en matière d'état de droit, de droits des minorités et de relations de bon voisinage.
     
  • il faut que l'UE soutienne la mise en place d'un espace Schengen dans les Balkans de l'Ouest d'ici 2030. A cette date, les frontières dans les Balkans devraient devenir réellement invisibles.
     
  • il faut que l'Allemagne, la France et d'autres membres de l'UE indiquent clairement qu'ils sont prêts à assumer davantage de responsabilités en matière de sécurité dans les Balkans et à renforcer leur présence militaire, en particulier dans le nord du Kosovo. 

 

"Vous ne serez pas récompensés" – La Macédoine du Nord contre la Serbie

L'UE doit également prouver qu'elle honore sa parole face aux dirigeants qui s'emploient à établir des relations avec leurs voisins et avec les minorités dans un véritable esprit de réconciliation. La Macédoine du Nord, par exemple, a conclu un traité d'amitié avec la Bulgarie au cours de l'été 2017 et le fameux accord de Prespa avec la Grèce au cours de l'été 2018. En janvier 2019, l'albanais est devenu la deuxième langue officielle du pays. Vu ce bilan, les négociations d'adhésion avec la Macédoine du Nord devraient commencer au cours de l'été 2019, comme l'a recommandé la Commission européenne.

Toutefois, il existe une deuxième raison très importante: aujourd'hui la Macédoine du Nord fait déjà mieux que la Serbie concernant sa préparation à l'adhésion. La Commission européenne publie régulièrement des rapports d'évaluation sur l'état de préparation des pays candidats. Les plus récents datent d'avril 2018:

"Rapport - Serbie 2018"
"Rapport - Macédoine du Nord 2018"
"Rapport - Albanie 2018"

La comparaison de ces résultats révèle un fait remarquable: La Macédoine du Nord se porte mieux que la Serbie, et la Serbie ne se porte que légèrement mieux que l'Albanie, malgré le fait que Belgrade négocie avec l'UE depuis 2014 :

Evaluation de la Commission européenne - 'Les fondamentaux' (avril 2018)

Domaines de réforme prioritaires

Macédoine du Nord

Serbie

Albanie

Réforme de l'administration publique

3

3

3

Fonctionnement du pouvoir judiciaire

4

4

4

Lutte contre la corruption

4

4

4

Lutte contre la criminalité organisée

4

4

4

Liberté d'expression

4

4

3.5

Existence d'une économie de marché viable

2

3

3

Capacité de résistence face à la pression concurrentielle et aux forces du marché dans l'UE

3

3

4

Total

24

25

25.5

Moyenne

3.4

3.6

3.6

Stade préliminaire (5)
Un certain niveau de préparation (4)
Modérément préparé (3)
Bon niveau de préparation (2)
Bien avancé dans la préparation (1)

Face à cette réalité que reflète cette évaluation la plus sérieuse qui soit, comment l'UE pourra-t-elle justifier l'absence d'ouverture de négociations d'adhésion, cet été, avec la Macédoine du Nord?

Pourtant, le cynisme à l'égard de l'UE dans les Balkans aujourd'hui est tel qu'Aleksandar Vucic a récemment prédit devant les caméras de télévision que tout cela n'avait aucune importance et que l'UE trahirait certainement les promesses qu'elle a faites aux réformateurs à Skopje. Le 26 mars 2019, il a déclaré:

 "Et on leur dira: 'Vous n'allez pas rejoindre l'Union européenne à court terme'. Je vous dis maintenant que l'UE ne leur permettra pas d'ouvrir des négociations d'adhésion... Et tout ce que ces pays ont fait ne sera pas récompensé. Les gens verront que ce n'était pas suffisant. Cela aggravera encore l'insécurité et l'instabilité dans notre région... il y aura beaucoup d'insatisfaits, déçus par les promesses non tenues de l'Europe".

Zoran Zaev - Aleksandar Vucic
Les leaders de la région: Zaev et Vucic: Qui a placé la bonne mise? 

Le message ainsi adressé à l'opinion publique serbe est le suivant: rien de ce que l'UE promet actuellement n'est susceptible d'avoir un impact sur leur vie. Il n'y a aucune garantie de sécurité. Il n'y a pas de paix européenne à l'horizon. Finalement, seule la puissance coercitive a de l'importance. La Serbie se prépare à cette nouvelle ère en renforçant son armée.

Dans l'intérêt de la Serbie, du Kosovo, des Balkans et de l'Europe, cette ère en question ne devrait jamais voir le jour. La promesse de paix dans les Balkans par l'intégration ne doit pas devenir victime des illusions nationalistes serbes ou de la complaisance de l'UE. Il appartient aux dirigeants européens d'assurer la paix dans les Balkans pour la prochaine décennie. L'Allemagne et la France pourraient commencer à avancer dans ce sens, dès demain à Berlin.

Meilleurs vœux,


Gerald Knaus

 

Les propositions de séparation et les Serbes du Kosovo

Gracanica monastery near Pristina
Le monastère de Gracanica, près de Pristina

Comme Scott Adams l'écrit dans son livre "Win Bigly", les maîtres de la persuasion déplacent l'énergie des débats vers des sujets qui leur conviennent. L'astuce de persuasion consiste à concentrer toute la discussion sur une question de son choix: "Les choses auxquelles vous pensez le plus, et dont vous vous souvenez le mieux, vous semblent plus importantes que d'autres choses... si vous avez un pouvoir de persuasion très fort, vous pouvez avoir tort sur les faits, et même sur la logique de votre argument, mais remporter quand même le débat".

C'est pourquoi Donald Trump parle de construire un "grand et beau mur" pour capter l'attention du public qu'aucune autre référence, par exemple celle à un "meilleur contrôle des frontières", ne parviendrait à réussir. Si Trump n'obtient pas son mur, il laisse entendre que les Etats-Unis seront submergés par les terroristes et la drogue et que ses adversaires seront les seuls à blâmer. En même temps, note Adams, "il y a une sorte de mur qu'il est difficile de critiquer; c'est le mur que chaque personne conçoit différemment dans sa tête".

Le coup de maître de Vucic est d'avoir détourné le débat sur la normalisation des relations avec le Kosovo, partie intégrante du processus d'adhésion de la Serbie à l'UE, et de l'avoir fait sortir du cadre des engagements pris par Belgrade en 2013 et 2014 lorsque le pays venait d'entamer les négociations d'adhésion. Le président serbe réussit également d'éviter toute discussion sur ce qui est réellement nécessaire pour améliorer la vie des Serbes du Kosovo qui sont actuellement au Kosovo et des Albanais qui vivent en Serbie. "Vous devez nous aider" (donc si nous échouons, c'est parce que le soutien est insuffisant) est lié à "Vous ne devez pas interférer" (ou si vous le faites, nous échouerons à coup sûr). "Je ne dis pas un seul mot méchant sur les Albanais" coïncide avec l'accusation des ministres de Vucic contre le dirigeant du Kosovo de planifier un crime de guerre pour nettoyer ethniquement le Kosovo des Serbes.

Selon Vucic, tracer une frontière nouvelle et nette sur une carte, une ligne de démarcation juste quelque part au Kosovo, réduira miraculeusement les tensions. Vucic avertit ensuite que si cela ne se concrétise pas, des tensions, des affrontements, des conflits et peut-être même une nouvelle guerre pourraient se produire, ceci étant la faute des responsables n'ayant pas le courage de faire ce qui est juste. De surcroît, il ne décrit nullement cette nouvelle démarcation: une frontière Schengen, une ligne invisible traversant le centre de Mitrovica? Ou un lieu pour positionner les nouveaux chars de la Serbie, en préparation d'une autre provocation pour entrer dans le sud du Kosovo ?

Enfin, le tour de magie le plus frappant de Vucic a été de faire disparaître la majorité des Serbes du Kosovo de ce débat qui se porte, en effet, sur leur avenir. Le 14 août 2018, Vucic a prononcé devant un groupe de soldats serbes les propos suivants:

"Qui d'entre vous veut aller à Djakovica [une ville au sud du Kosovo]? Qui de vous veut vivre à Djakovica ? Moi, je ne le veux pas, mais y a-t-il quelqu'un parmi vous qui le veut? Personne ne le veut. Personne ne le veut mais on dit que c'est un territoire serbe ancestral que nous continueront a protéger encore, pendant les 5,000 ans à venir. Mais il n'y a pas un seul Serbe qui veuille y vivre."

En effet, aujourd'hui beaucoup de Serbes vivent encore dans le sud du Kosovo. Soyons plus précis: c'est la majorité des Serbes qui se trouvent dans les localités du sud. Ainsi, toute démarcation ethnique, tout découpage dans le nord du Kosovo, ne servirait certainement pas les intérêts de cette majorité qui, rappellons-le, n'a pas fui le Kosovo même en 1999, après le retrait de l'État serbe. Une telle démarche n'aiderait pas non plus le nord de Mitrovica, aujourd'hui le centre urbain le plus important des Serbes du Kosovo et la localité urbaine la plus multiethnique du Kosovo tout entier. Il est clair que cette proposition ne concerne que le destin d'un morceau de territoire et non pas celui de ses habitants. Elle ne prend pas en compte leurs intérêts. C'est le genre de proposition que la communauté internationale rejette depuis 1999, et devrait continuer à le faire.

ESI écrit sur Mitrovica et les Serbes du Kosovo depuis plus de 15 ans. Veuillez voir ci-dessous:

A post-industrial future? Economy and society in Mitrovica and Zvecan (2004)

People Or Territory? A Proposal For Mitrovica (2004)

The Lausanne Principle: Multiethnicity, Territory and the Future of Kosovo's Serbs (2004)

Mitrovica: Kosovo's Litmus Test. ESI Discussion Paper (2006)

 

 

L'hypnotiseur - Premières réactions

      Carl Bildt: Powerful piece on the dangers of swapping territories in the Balkans in order to create ethnically pure areas. Some leaders in Serbia, Kosovo and Albania are playing with the idea. The paper has already created a stir in the region.     Tim Judah: Just read the new @ESI_eu report. Really excellent. Packed with details about Serbian re-armament, US position on land swap etc. Published in time for the Berlin, French-German-WB6 meeting on Monday. Great on what Vucic says to different audiences. @rumeliobserver @adicerimagic

Bojan Pancevski: This is a very good report on the politics in Serbia/Balkans, and how Serbia's leader Vucic (once advised by Bell Pottinger) speaks differently at home and abroad.     Dnevni avaz: Vučić je kao hipnotizer upao u um mnogih u EU i SAD i uvjerio ih da će izvesti Srbiju na pravi put, ali je vodi u drugom smjeru

Balkan Insight: "EU Should Reject Serbia-Kosovo Border Changes: Report", 26 April 2019

Dnevni avaz: Intervju sedmice Gerald Knaus, prvi čovjek ESI-ja: Vučić je kao hipnotizer upao u um mnogih u EU i SAD i uvjerio ih da će izvesti Srbiju na pravi put, ali je vodi u drugom smjeru, 28 April 2019

Exit: EU Should "Immediately" Stop Talks on Territorial Swap Between Kosovo and Serbia, ESI Warn, 26 April 2019

 

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